Dérives à l'ENS Lyon
Une histoire narrée par
Vanessa Legrand-Apfelstrudel
Sommaire :
Il est fort probable qu'au détour de vos pérégrinations interneto-rézosocioesques, vous soyez tombé sur un de ces innombrables pavés dénonçant une prétendue emprise idéologique qui sévirait de nos jours dans l'université française (voir la saga Science po Grenoble à ce sujet). Mais de quoi en retourne-t-il exactement ? Enquête.
Note : merci de ne pas harceler les protagonistes de cette histoire
Une entrée toute en douceur
Comme j'ai pitié de vous, chers lecteurs, on va commencé par du soft. Très soft.
Voici un extrait d'un document latex intitulé Conseils aux auteurs de textes mathématiques, afin d'aider les futurs docteurs en math à rédiger leur thèse. Par souci d'anonymité, nous appelerons l'auteur de ce papier Samantha.
Samantha, donc, commence par nous expliquer qu'il ne faut pas écrire n'importe quoi dans sa thèse car il y a des gens qui relisent (parfois). C'est alors que je remarque une étrange note de bas de page :
Bah oui, pourquoi pas ? C'est toujours plus digeste que l'écriture inclusive, après tout. Une autre note survient juste après :
Il semble donc que cette chère Samantha aie saisi cette belle opportunité pour "rééduquer" son lectorat, en parsemant son papier de réflexions féministes afin de bien faire comprendre que c'pas parce qu'chuis une meuf que j'peux pas faire des maths, bah ouais hein, qu'est-ce tu crois là, wesh ?
Bref, je ne m'attaquerai pas davantage à Samantha, je trouve son article très bien rédigé par ailleurs, bravo Samantha.
C'est bon, vous êtes bien échauffés ? Alors allons-y.
Premier constat : c'est illisible
Je m'appuierai en grande partie sur le contenu des mails. Je précise qu'il s'agit de mails diffusés publiquement, jamais d'échanges privés (nan mais vous me prenez pour qui là, Julian Assange ?).
La première chose qu'on peut noter dans ces mails, c'est la présence quasi-systématique de l'écriture inclusive. Je pense que ça n'étonnera plus personne à ce stade. Je ne vais bien évidemment pas répertorier toutes les aberrations syntaxiques dont j'ai pu être témoin, je me contenterai de cette petite perle :
Tout est là, le masculin suivi du féminin (tous et toutes) le point médian (élu.e.s), les contractions hasardeuses (celleux, toustes), et les inconsistances récurrentes (étudiant.es dans l'objet mais étudiant.e.s dans le contenu du mail). Comment en est-on arrivé à charcuter la langue à ce point, je l'ignore. Mais les féministes s'obstinent à vouloir nous l'imposer coûte que coûte.
Définir le style en VSS
Je vais poursuivre avec le scandale qui a éclaté autour de février 2021. Le syndicat CGT est en colère (comme d'hab me direz-vous ^^) au sujet des Violences Sexistes et Sexuelles (abrégées VSS). À ce stade, vous vous demandez sûrement ce qu'on entend par "violence sexiste et sexuelle". À mon avis, il s'agit-là d'un terme parapluie visant à englober tous les comportements déplacés qu'un homme pourrait adopter à l'égard d'une femme, qui peut aller de la simple réflexion grivoise jusqu'au viol pur et simple. D'ailleurs, dès la première page du rapport ci-joint, on peut lire : à partir du moment où l'on se fait discriminer, insulter, violer, il s'agit de "violences"
.
Ben voyons. Je pense qu'on a suffisamment ressasser le fait qu'assimiler de simples insultes à une agression sexuelle aurait tendance à minimiser l'ampleur de ces dernières. Mais comme chacun le sait, pour les néoféministes, tout est bon pour dresser la femme en éternelle victime du "partiarcat".
Regardez-moi comment cette girlboss remet cet affreux misogyne à sa place. Tous les membres du conseil d'administration se sont levés et ont applaudi, je suppose ? Bon sang, que ce cartoon est pénible à regarder ! Mais à mieux y réfléchir, j'imputerais plutôt ce malaise à la qualité du dessin.
Au diable les considérations artistiques. Je vous livre à présent la réponse du président, qui déclare qu'en réalité, des mesures sont mises en place depuis un certain temps déjà :
référentes égalités
... non non, il ne s'agit aucunement d'un bullshit job imposé par le tribunal de la bienpensance, qu'est-ce qui vous fait penser cela ? Enfin, peu importe. Le plus important étant que cela permette d'apaiser le débat... mais ce serait sans compter la soif de scandale insatiable de ces vipères syndicalistes, qui ne rechignent devant aucun prétexte pour diaboliser leur opposant et répandre à tout va leur idéologie victimaire. C'est ainsi que le président se retrouvera cloué au piloris dans la presse médiatique, accusé de défendre la "culture du patriarcat" en "minimisant" les violences faites aux femmes.
À ce stade, vous pensez peut-être que j'exagère, qu'après tout il s'agit de défendre une noble cause, et qu'il est normal de hausser parfois le ton pour arriver à faire entendre. Voilà ce que je vous réponds :
Lorsque le militantisme tourne au délire obsessionnel
Une œuvre signée
Vanessa Legrand-Apfelstrudel
Sans oublier cette affiche :
où il est fait mention du collectif féministe NousToutes, fondé par cette très charmante Caroline de Haas, mathématicienne émérite à l'origine du fameux "théorème du 1 sur 3" (un très beau théorème
comme dirait Samantha), mais aussi amatrice de violoncelle à ses heures perdues. On sait bien s'entourer, à l'ENS !
Mais ce n'est pas le pire. En Mai 2021, le président aurait porté atteinte au droit syndical dans le rapport d'auto-évaluation HCERES 2021 (j'ai consulté le rapport, les propos incriminés semblent avoir été retirés malheureusement). Cela n'a manifestement pas été du goût des activistes de la CGT qui menace alors d'engager des poursuites pour diffamation (sic). Le document est disponible ici.
Elles prennent soin d'étayer leur menace d'une ribambelle d'articles de lois, l'un d'eux en particulier (article 6) ayant attrait au respect de la liberté d'opinion (re-sic) et à la non-discrimination des fonctionnaires. Gardez bien ça en tête pour la suite. Elles affirment ensuite que la parole des femmes dans les instances est systématiquement coupée, dénigrée, minimisée et remise en question
. On reconnait bien là la posture victimaire de l'idéologie néoféministe. Il est aussi fait allusion à l'affaire des collages de Science po, mais notre chère inquisition est-elle au courant que la plupart des inculpés dans cette affaire ont été relaxés faute de preuves ? Et de conclure par cette envolée lyrique : Pourrions-nous suggérer au ministère de nommer une femme à la tête de notre établissement, ce qui nous laisserait entrevoir des jours meilleurs et plus féministes ?????
.
Alors primo, une dystopie orwélienne au main des néofems, très peu pour moi merci. Deuxio, fustiger le président au motif qu'il détient une paire de couilles ne relève-t-il pas du préjugé sexiste ? Je suis sûr qu'il existe un article de loi qui condamne ce genre de propos... ah mais oui, merde, c'est précisément l'article 6 cité littéralement deux pages plus haut !
Comme quoi il n'y a pas que des lumières à l'ENS.
Le Saint Diktat
Outre l'écriture inclusive, la CGT utilise parfois d'étranges terminologies.
Adelphiquement
? Mais que cela signifie-t-il ? Le dictionnaire va très certainement nous éclairer. Malheureusement, le Larousse ne renvoie aucun résultat, idem pour Iel Robert.e... tiens donc, l'Encyclopédie Universalis nous propose une définition, voyons un peu :
Tout va bien la CGT ? Vous avez besoin d'un thé peut-être ? Un petit biscuit ?
Au milieu du purin syndicaliste, on notera aussi la présence de Sud Éducation, qui récite sa lithanie progressiste à qui veut bien l'entendre. Un exemple ?
Au-delà de l'affirmation très contestable "y'a pas de femme dans la recherche à cause de la kouisine", on ne peut que s'exclaffer à la lecture du paragraphe qui commence par Luttons contre les violences [...]
, véritable condensé de tous les lieux communs de la paranoïa néoféministes : le ton dramatique, les affirmations fumeuses, la victimisation à outrance...
Sud-Education verse également dans le transactivisme, comme on peut le lire ci-dessous :
Il revendique entre autre la dépathologisation des transidentités
ainsi qu'un parcours de soin remboursé à 100% sans condition
, ce qui me semble un poil contradictoire, voire carrément dangereux : aux USA, on commence déjà à s'inquéter d'un retour de flamme. Il est aussi question de déconstruire [les stéréotypes de genre] dès la crèche
, et je ne peux alors m'empêcher d'imaginer des situations loufoques :
"Les enfants, pendant que vous jouez avec vos legos queers et vos poupées non-binaires, n'oubliez pas l'importance de subvertir les normes de genres afin de lutter contre la culture du patriarcat − Louïse, cesse de chanter à tue-tête la Reine des Neiges, c'est oppressant pour les vraies femmes vu qu'Elsa est dépourvue de cellulite et de poil sous les bras.
− Areuh gaah areuuh ?
− Sapristi... Rémy, je constate que tu t'es encore ramené avec ta salopette bleue, sais-tu qu'il s'agit-là d'une construction sociale cis-hétéronormative et que c'est problématique ? Ta maman n'a aucune excuse, je m'en vais de ce pas responsabiliser cette nazie sur Twitter.
− Areuuuh !"
Décidément, il ne manquerait plus que Sud Education fasse la promotion du terrorisme... ah excusez-moi, on me souffle à l'oreillette que c'est déjà le cas.
Du rififi dans la recherche
Mais l'ENS, ce n'est pas que du militantisme, c'est aussi de la recherche. De la science tout ce qu'il y a de plus objectif et rigoureux. Ainsi, la section Genre, féminisme et politique du laboratoire Triangle nous honore régulièrement de séminaires aux thématiques toutes plus variées les unes que les autres :
Ou encore les journées de séminaires organisées par FELiCiTE, qui nous propose là aussi une programmation de haute volée :
Sans compter les innombrables conférences dont les intitulés consistent simplement à juxtaposer "genre" à n'importe quelle sujet d'étude (du style "Genre et gastronomie", "Genre et algèbres de Hopf", "Genre et mobilier Ikea", etc.) :
Mais tant qu'à faire, pourquoi ne pas s'exporter à l'international ? Sachez que les chinois ont déjà un terme pour désigner ça : "baizuo"
Et n'oublions surtout pas de mentionner les postcolonial studies, qui se torchent avec la culture occidentale sous couvert d'"anti-racisme" :
Mais j'ai quand même gardé le meilleur pour la fin :
Florian Vörös, Désirer comme un homme. Enquêtes sur les fantasmes et les masculinités. Le titre à lui seul vend du rêve. Lorsqu'on lit le compte-rendu sur Open Edition, le rêve devient réalité. On apprend donc que la pornographie hétérosexuelle, c'est pas bien parce que ça exploite le corps de la femme et patati et patata... en revanche, la pornographie gay, elle, aurait valeur documentaire
, esthétique
et socialisa[trice]
(3e paragraphe).
D'ailleurs, l'Observatoire du Décolonialisme confirme une nouvelle fois mes suspicions, à savoir que les gourous de l'intersectionnalité ont érigé le porno gay en véritable champ de connaissances scientifiques. Je ne sais pas ce qui m'afflige le plus : que ces tartines d'inepties soient publiées sous couvert de sciences sociales, ou que l'ENS trouve pertinent d'organiser un séminaire là-dessus.
Bien entendu, ces apôtres de la "théorie critique" sont tous persuadés du bien fondé de leur science et n'apprécient guère la contrariété. En février 2022, l'ENS organise une présentation de l'ouvrage De la défense des savoirs critiques, publié en réponse au colloque des 7 et 8 janvier à la Sorbonne "Après la déconstruction" :
Je ne rentre pas dans les détails, lisez la tribune de l'Observatoire. J'ajouterai simplement que le colloque de la Sorbonne a eu le privilège d'accueillir l'écrivaine américaine Helen Pluckrose, coauteur de l'un des plus beaux canulars de ces dernières années. Ce n'est certainement pas dans les colonnes de Libération ou de Médiapart que vous allez l'apprendre !
À l'heure où j'écris ces lignes, le gratin syndical a décidé de prendre sur son temps de travail pour pouvoir assister à ladite conférence...
Où sont les femmes ?
Corollairement à tous ces délires postmodernes, les évènements visant à promouvoir la place des femmes dans la recherche scientifique sont légion.
D'ailleurs, Moreno a decerné en 2021 la "médaille de l'Égalité" à une astrophysicienne de l'ENS pour avoir organisé des journées de doléances à l'attention des lycéennes. Oui oui, "égalité" disent-ils.
Permettez-moi donc de vous livrer cette petite anectode : un physicien américain du nom de Strumia a été victime d'une ignoble campagne de lynchage en 2018 après avoir démontrer pendant une conférence que le faible ratio de femmes dans la recherche ne puise pas son origine dans la discrimination sexiste. Je laisse à Peggy Sastre le soin de vous narrer cette belle histoire.
Ceci étant dit, les sociologues demeurent pionniers en matière de lithanie ovarienne. Je trouve assez ironique de constater qu'à défaut d'intégrer les filières scientifiques, ces essaims d'abruti.e.s préfèrent aller étudier la théorie du genre et autres fadaises pseudo-académiques, où on leur enseigne à s'indigner inlassablement sur le fait qu'il n'y aie pas assez de femmes dans la recherche scientifique.
Les assos en roue libre
Il me reste encore à évoquer la vie associative. Commençons par l'association feminazie officielle de l'ENS Lyon, baptisée "les Salopettes". Ces dernières sont parvenues à se forger une petite notoriété en 2017 après avoir fustigé un poème de Chenier au programme de l'agrégation, accusant l'auteur d'y faire l'apologie de la "culture du viol". Rebelotte en 2019, cette fois sur un poème de Ronsard. Par ailleurs, cette bande d'aliénées hystériques n'hésite pas à faire la promotion d'évènements dits en "non-mixité choisie", doux euphémisme élaboré par le tribunal de la vertu, très certainement afin d'éviter de parler de "ségrégation". Parce qu'attention, ça n'a strictement rien à voir : la non-mixité est inclusive, elle.
Si vous êtes doté de la fibre militante mais que les combats néoféministes ne vous séduisent guère, vous pouvez toujours opter pour l'alternative LGBTQI-d'huître dénommée "ArcENSiel" (mais en réalité ça revient un peu au même). Je suis tombé par hasard sur leur page Facebook, mais par pitié, épargnez-moi le calvaire d'y mener investigation, il en va de ma santé mentale.
Encore une fois, ArcENSiel coche absolument toutes les cases du bingo : écriture inclusive, salutations incestueuses et délires paranoïaques. La routine, en quelque sorte.
Cependant, il faut bien parvenir à recruter tout ce beau monde. Et quitte à essayer d'enroler les primo-arrivants dans leur secte, autant le faire autour d'un bon p'tit thé, mmmh.
Tiens, au passage, ils parlent du centre LGBTI de Lyon sur ce billet :
Si le centre est à l'image de cette asso, je m'étonne de moins en moins que son directeur aie choisi de démitionner...
Mais ça ne s'arrête pas là. En 2020, François Rastier (qui a participé au colloque des 7 et 8 janvier) est invité à l'ENS pour une intervention au sujet des dérives dans les sciences sociales. Mais c'était sans compter la détermination sans faille de notre armée de petits bourgeois en panne de conviction politique qui s'appliquèrent à boycotter ladite intervention à coup de campagnes diffamatoires. Je vous renvoie au rapport de l'Observatoire du Décolonialisme ainsi qu'à l'article dédié sur le blog Mezetulle.
Conclusion
Ainsi s'achève mon récit. La morale de cette histoire, c'est qu'on a pas à tolérer que l'université instrumentalise de la sorte les femmes et les minorités à des fins politiques. De ce fait, je ne peux qu'encourager les étudiants témoins de ces dérives à nous raconter leur expérience personnelle.
Croyez-moi, remuer ce tas de fumier n'aura pas été une partie de plaisir, j'espère néanmoins que vous en aurez appréciez la lecture. À bientôt j'espère pour de nouvelles aventures !
Commentaires
3 June 2022 à 16:41
Vanessa a écrit :
Merci, mais arrête d'essayer de deface mon site stp.
26 August 2022 à 17:58
Vanessa a écrit :
oui d'accord
27 August 2022 à 0:26
Vanessa a écrit :
Bien tenté mdr
3 June 2022 à 16:19
<? ?> a écrit :
Super article vanessa!